Arts numériques fractals et mathématiques
Les mathématiques sont présentes tout autour de nous, elles structurent les lois de notre Univers. Qu’on l’adule ou la haïsse, la mathématique ne laisse personne indifférent. Tout comme l’Art. Et lorsque ces deux disciplines se rencontrent, on obtient un cocktail détonnant pouvant faire basculer toutes nos certitudes. Je ne compte plus les fois où une personne m’a dit être fâchée avec les mathématiques et finalement s’adoucir sur cette position à mesure que je lui expliquais que je colorisais mes créations à partir de résultats d’équations. Les arts numériques fractals et mathématiques permettent de diminuer l’abstraction de cette science en nous faisant découvrir, tantôt des formes complexes qu’un cerveau humain aurait été incapable d’imaginer, tantôt des représentations d’objets/êtres vivants si fidèles à la réalité que l’on peut se demander si c’est réellement le hasard qui les a placés ici. Les fractales en sont l’exemple le plus impressionnant.
Pour répondre à cette question je vous propose un voyage dans le temps pour vous ramener à l’école primaire lorsque vous faisiez des coloriages magiques. Munis de feutres ou de crayons de couleurs, votre mission était de colorier les cases du dessin à l’aide des couleurs proposées par la palette de couleurs. Ainsi à chaque nombre du dessin était associée une couleur.
Sur l’image du perroquet ci-contre, toutes les cases avec la valeur 1 sont à colorier en jaune tandis que celles avec la valeur 6 sont à remplir avec du bleu.
Cela va probablement vous étonner mais ma démarche artistique n’est pas (beaucoup) plus compliquée qu’un coloriage magique !
Le quadrillage n’est pas explicitement dessiné sur l’image, c’est juste une manière de subdiviser l’image en petits éléments carrés.
On peut par exemple prendre l’équation suivante :
On doit la notion d’attracteur au météorologiste Edward Lorenz. En 1963, il étudiait le mouvement de l’air dans l’atmosphère à l’aide d’un système d’équations simplifiées à trois paramètres. Assisté d’un modeste calculateur, Lorenz entreprit de modéliser ce système d’équations à l’aide de la machine.
Il mit en évidence que pour certains paramètres, la solution numérique demeurait prisonnière d’une zone confinée en décrivant des trajectoires complexes; il venait de découvrir le concept d’attracteur !
Prenez un point de l’espace et une équation. Appliquez cette équation à votre point, celui-ci va alors se déplacer vers une nouvelle position. Appliquez de nouveau l’équation à la nouvelle position du point, il va alors de nouveau se déplacer. Répétez cette opération plusieurs milliers de fois. Si votre dernier point n’est pas trop éloigné de sa position initiale alors vous avez peut-être trouvé un attracteur.
De là, il suffit de coloriser les zones de l’espace qui ont été visitées par votre point lors de son parcours (ci-contre, on colorise en blanc les zones où le point n’est jamais allé et en noir celles où sa fréquentation est la plus élevée).
Les fractales de Lyapunov, issues des travaux du mathématicien Alexandre Lyapunov et du physicien Mario Markus, sont une représentation visuelle du chaos et de la stabilité au sein d’un système d’équations.
Considérons l’image ci-contre. Les couleurs froides (bleu clair, bleu foncé) désignent des zones chaotiques. On peut y observer des tourbillons, des filaments très minces qui s’entrelacent. Par opposition les couleurs chaudes (blanc, orange, jaune) désignent des zones de stabilité où la transition entre les couleurs se fait progressivement de façon continue.
Considérons une suite de 0 et de 1 que nous appelons “clé de chiffrement”. Chaque pixel de l’image est défini par un couple qui correspond à sa position dans l’image. A chaque pixel de l’image, on associe l’équation itérative :
où correspond à l’élément
de la clé de chiffrement utilisée.
Ainsi à chaque itération lorsque la variable est mise à jour, l’algorithme se réfère à la clé de chiffrement pour savoir s’il applique la première équation (i.e
) ou la seconde équation (i.e
).
Cette alternance entre les deux équations (dont la fréquence dépend de la clé) va directement influencer le motif fractal obtenu (et donc le rendu artistique de l’image).
La seconde et dernière étape afin de générer la fractale consiste à calculer l’exposant de Lyapunov :
Finalement, à l’aide d’un logiciel de visualisation on représente la valeur de à chaque pixel de l’image, permettant ainsi de mettre en lumière les zones chaotiques et stables de l’équation modélisée.
Comme évoqué précédemment, le rendu visuel des fractales de Lyapunov est grandement dépendant du choix de la clé de chiffrement (suite de 0 et de 1). Plutôt que de choisir une clé de chiffrement de façon arbitraire, je propose des créations personnalisées au sein desquelles vous choisissez votre propre clé.
Pour ce faire, c’est très simple. Vous me donnez un mot, une phrase et/ou une date que je vais transformer en clé de chiffrement.
Prenons un exemple, imaginons que vous me donniez le prénom Nathan. A chaque lettre je fais correspondre un nombre (la lettre A à 1, la lettre Z à 26), je multiplie toutes les correspondances numériques entre elles. Ainsi on obtient 14x1x20x8x1x14 = 31360. Une conversion en binaire donne finalement la clé de chiffrement 111101010000000.
En 1975, le mathématicien Benoît Mandelbrot fait la découverte d’un objet mathématique qui héritera de son nom; l’ensemble de Mandelbrot. Cet objet visuellement complexe présente une structure fractale, c’est-à-dire qu’il est invariant par changement d’échelle (comme les poupées russes par exemple).
Pour chaque point de l’espace c, on “regarde” s’il reste prisonnier dans un cercle de rayon 2 lorsqu’on lui applique itérativement l’équation :
On répète N fois l’équation ci-dessus. A chaque fois que l’équation est appliquée, le point se déplace. Si le point quitte le cercle, on note la valeur de l’itération correspondante. S’il ne quitte pas le cercle après N itérations, on lui affecte la valeur N.
Finalement, avec un logiciel de visualisation, on représente la valeur de l’itération à partir de laquelle chaque pixel a quitté le cercle.
Sur l’image ci-contre, l’ensemble de Mandelbrot est colorisé. Les pixels bleus correspondent à des zones pour lesquelles les points ont très rapidement quitté le cercle. A l’inverse, les pixels noirs désignent des zones où les points ne “semblent pas” quitter le cercle.
Un tourbillon désigne la région d’un fluide dans laquelle l’écoulement est principalement en mouvement de rotation autour d’un axe. Ce phénomène est notamment observable lorsque votre baignoire se vide après un bain mais aussi lorsque vous prenez l’avion (image ci-contre).
En 1820, les physiciens Jean-Baptiste Biot et Félix Savart ont introduit une équation permettant de décrire le mouvement des tourbillons.
On considère un nombre fini de tourbillons, représentés par des points, ayant chacun une intensité pouvant être positive ou négative qui induit un sens de rotation horaire ou anti-horaire. La loi de Biot-Savart permet de calculer la vitesse en tout point de l’image
à partir de la position
et de l’intensité
des tourbillons :
A chaque fois que l’équation est appliquée, le point considéré se déplace. On répète ces opérations sur tous les points de l’image jusqu’à obtenir un résultat esthétiquement intéressant.
Avant tout un passionné, c’est dans ma nature. D’abord un mathématicien, un scientifique. Chez moi, il y a des équations griffonnées sur tous les calepins qui trainent, toutes les feuilles volantes. Si on m’avait dit, il y a quelques années encore, que je deviendrai artiste, je ne l’aurai pas cru. Puis la vie a placé sur mon chemin une femme, une créative, c’est dans sa nature à elle… Voici notre histoire.
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